- Amel, Amel ... Aller,
réveille-toi ...
- Humm ...
- Aller, un petit effort ...
Regarde, je te donne cette plante ...
- Mais, mais où suis-je ?
- Tout au début. Tu as vu cette
Plante, elle est toute petite. Elle est aussi grande que deux fourmis. Mais
tu verras, elle évoluera. Tout reste à faire.
- A faire quoi ?
- Il te faut atteindre,
l'atteindre. Mais sache que ce ne sera pas tâche facile. Il
te faudra évoluer,
comme cette plante. Bien sûr, nous serons là pour
t'aider, mais uniquement pour
t'apporter la force et l'énergie. Tu en auras besoin.
- Je me sens bizarre.
- Une chose sacrée: le temps.
Trop tôt ou trop tard pourra t'être fatal.
Même malgré tous nos efforts, nous
ne pourrions peut-être rien, si cela venait à
arriver.
- Je ne te voie pas, qui es-tu ?
- Tu le seras bien assez tôt. Ne t'inquiète pas,
nous serons toujours ensemble, mais il faudra te
débrouiller. Lorsque tu
l'auras atteint, là seulement, je te guiderais, mais pas
avant. Ne l'oublie
pas, pas avant ce moment. Maintenant va. Suis ta route, et ne te
retourne pas,
va droit devant...
Et
c'est
ainsi qu'Amel fut laissé seul face à son propre
sort, sans comprendre
réellement ce qui se passait. Il avait juste cette Plante,
dont il ne devait se
séparer, quoiqu'il arrive. Il avançait tout en
contemplant ce monde étrange. Il
faisait sombre. Un léger reflet rose s'échappait
de tous les objets autour de
lui. Il ne pouvait s'empêcher de les toucher, essayant de les
attraper en vain.
Ils étaient visqueux et informes, mais doux et chauds. Ils
avaient l'allure de
la plante, mais en plus grands et plus
développés. Il devait certainement
s'agir d'une forêt dans laquelle bataillaient tous les arbres
et plantes.
Ceux-ci, en effet, ne cessaient de bouger, comme soulevés
par le vent. Leurs
branches s'entremêlaient, il ne pouvait deviner laquelle
branche appartient à
quel tronc. Où qu'il regarde, il y en avait partout,
au-dessus de lui, en
dessous. Il commençait juste à se rendre compte
que lui-même n'était pas debout
sur un sol stable, mais qu'il était comme ces plantes "en
l'air". Il
était enveloppé d'un liquide chaud, il se serait
dit dans de la gélatine, dans
laquelle il nageait comme un poisson dans l'eau. Il était
bien. Dans cette
pénombre, il apercevait également des particules
en suspension. Il ne pouvait
en distinguer la forme exacte, il les voyait simplement voltiger autour
de lui.
Certaines étaient de grandes tailles, d'autres plus petites,
toutes émettaient
une lumière rosâtre.

Il
portait toujours sa Plante. Elle avait grandi, elle était
aussi grande que quinze
fourmis.
Il la tenait, serrée contre son cœur, quand il
aperçu une corde qui semblait
être attachée à lui. Il l'avait
déjà remarquée, mais n'y avait pas
prêté
attention, il était trop ébloui par la
beauté des lieux. Elle aussi était
teintée de rose, visqueuse également,
à la différence qu'elle ne s'éloignait
pas de lui lorsque ses deux mains la touchaient. Comme elle ne semblait
pas le
quitter, il décida d'accrocher la Plante sur la corde, ainsi
il aurait libre
court de ses deux mains. Tout à coup, un petit
être étrange, de la taille d'une
main, vint s'agripper sur la Plante. La distinguant assez mal, il s'en
approcha
afin de mieux l'observer. Il eu juste le temps de reconnaître
un Papillon,
avant que celui-ci ne reparte, certainement effrayé par
Amel. Son absence ne
fut pas longue, le temps de faire le tour d'Amel et de se reposer sur
la
Plante.
-
Bonjour Amel, je t'attendais.
Nous allons nous promener, j'ai quelque chose à te montrer.
Tu vas monter sur
mon dos, et nous allons nous envoler.
- Mais, je suis bien trop grand
pour m'agripper sur toi, je vais te faire du mal.
- Ne pose pas de questions et monte.
Les voilà
partis, Amel sur le dos de cet animal tellement bizarre. Il sentait la
douceur
des ailes du Papillon à chaque mouvement. Ils survolaient la
forêt. Amel se
rendait compte de là-haut qu'en fait toutes ces particules
rosées étaient en
fait des papillons, de même que la couleur rose dominante
provenait de ce
liquide les enveloppant.
-
Regarde
ta Plante, elle grandit, elle est maintenant comme une colonie de
cinquante fourmis.
Observe la bien, de très près, ne la vois-tu pas
en train de se nourrir, elle a
faim tu sais, et pour grandir elle a besoin d'énergie. Elle
prend donc ce
qu'elle arrive à attraper au vol, et ce que seul le liquide
peut lui offrir. Ca
y est, nous allons arriver, attention à l'atterrissage.
L'endroit où ils
avaient atterrit ne
semblait pas différent de celui qu'ils venaient de quitter
quelque temps
auparavant. Si ce n'est qu'Amel se sentait un peu moins à
l'aise qu'avant. Il
avait une légère sensation d'oppression. Il
mettait cette sensation sur le
compte de la plante qui ne cessait de grandir, celle-ci mesurait en
effet au
moins 75
fourmis, elle
était donc plus lourde. Sans dire un mot, le Papillon s'en
alla.
Amel se sentait
triste, il commençait à apprécier sa
furtive
compagnie. Son chagrin fut vite
oublié. Au loin, il apercevait deux formes qui
s'approchaient.
Il s'agissait de
deux filles, l'une était de bois, l'autre de tissus. La
première avait
son visage peint: ses yeux avec de longs cils, sa bouche souriant en
croissant de lune ainsi que son nez étaient comme
des
dessins d'enfant. Elle traînait derrière elle des
fils,
qui jadis, devaient servir à la
manipuler: elle était une Marionnette.
Sa camarade
était une Poupée
de tissus,
elle regardait à travers des boutons noirs, sa bouche
était un morceau de laine
cousu, comme ses cheveux. Elles portaient toutes deux des ballons
colorés comme
un arc-en-ciel. La Poupée tenait également un
panier contenant des fruits.
-
Notre ami le Papillon t'a mené
là où il fallait, c'est très bien de
sa part. En général, il est assez
maladroit et tête en l'air. Ca ne m'aurait
étonnée qu'à moitié qu'il
t'emmène
ailleurs, mais ne parlons pas malheur, tu es là, et dans les
temps, commençe la
Marionnette, qui ne cessait de s'agiter dans tous les sens. Elle
tournait sur
elle-même, simulait des saltos que bien souvent elle loupait.
Au lieu
d'atterrir sur ces deux pieds de bois, elle tombait sur son
derrière, et d'un
mouvement nerveux se relevait et repartait de plus belle dans ces
galipettes.
-Veux-tu
jouer avec nous, demanda la Poupée d'un
ton calme. Nous avons pleins de ballons.
Cet endroit de la
forêt s'était
transformé en terrain de jeu, où les trois amis
s'amusaient, s'envoyaient les
ballons qui s'envolaient très haut au-dessus d'eux. A chaque
fois la
Marionnette faisait des bonds énormes afin de les rattraper.
La Poupée, en
revanche était très calme, se
déplaçait guère, attendait patiemment
qu'un des
ballons lui parviennent. Amel s'amusait bien, il
était tout heureux. Ses
premières angoisses concernant la tâche dont avait
parlé cette Voix inconnu
disparurent. Il se dit que si cette rude tâche
était nager, voler et jouer dans
ce doux et chaud liquide, il se fera un plaisir de la mener
à bien.
Après
un certains temps, qu'il ne pouvait définir, la
Poupée s'arrêta, s'éloigna et
alla rejoindre le panier qu'elle avait laissée de
côté de sorte à ce qu'aucun
geste maladroit ne vienne abîmer les fruits.
-
Arrêtons-nous quelques instants
pour manger ces bons fruits, dit-elle.
Elle
offrit un fruit, qu'elle avait au préalable
nettoyé, à Amel. Celui-ci ne refusa
pas. Il était inquiet, il ne savait pas ce que
c'était. La Marionnette et la Poupée
se mirent à rire en cœur lorsqu'elles
aperçurent l'air sceptique d'Amel.
-
N'ai crainte. Ce ne sont que
des fruits, c'est vrai que c'est la première fois que tu en
vois. Tu
verras, ils sont très bon, tellement juteux et
sucrés, tu vas les adorer, j'en
suis sûr.
Après une
seconde d'hésitation, Amel se décida à
mettre le fruit dans sa bouche. Il le
suça tout d'abord, et senti le goût
très prononcé du fruit. Quelle sensation
étrange. Jamais
il n'avait connu cela. Il était pressé de finir
ce fruit pour en
reprendre un autre, mais en même temps il ne voulais pas
enlever ce goût
agréable de sa bouche. Il avala le fruit, mais celui-ci ne
semblait pas passer.
Il restait coincé dans sa gorge. Cela lui faisait mal. Il
devenait tout rouge,
il avait l'impression de ne plus pouvoir respirer. Que ce passait-il?
La
Marionnette remarquant le malaise d'Amel, essaya de le rassurer. Lui
disant que
tout ceci était normal, mais que lui seul pouvait y
remédier. Elle ne pouvait
rien faire pour lui, ni elle, ni son amie la Poupée. Elle
lui conseilla
uniquement de respirer lentement et d'aller à la recherche
de l'Arbre qui
l'aidera à s'en sortir. Cette perspective de devoir
retrouver un arbre
n'enchantait guère Amel, après tout, il
était dans une forêt où se trouvent un
millier d'arbres. Mais il avait trop mal, il ne pouvait pas rester
comme ça, il
devait trouver cet Arbre.
-
Tu
verras, l'Arbre est particulier, tu le reconnaîtras d'entre
milles. Mais fais
vite, ton temps est compté, tu ne pourras pas rester une
éternité dans cette
situation. Bonne chance, lui lança la Poupée,
tout en s'éloignant. La
Marionnette l'accompagnait tout en tournant autour d'elle et en
rigolant comme
si de rien n'était.

Amel
était en colère, c'était de leur faute
ce qui lui
arrivait, et elles ne
faisaient rien. S'il en avait eu la force, il leur aurait couru
après, pour
leur donner une bonne leçon. Mais il
préféra
garder son énergie pour retrouver
cet Arbre, dont il ne savait rien. Il se mit à avancer
lentement. Il regardait autour de lui, toujours ce même
paysage,
ces
branches qui s'entremêlent, ces arbres informes et visqueux.
La
pénombre
n'avait ni augmenté, ni diminué, ce n'est que le
reflet
rose sur les différents
objets l'entourant qui lui faisait deviner la nature de ces objets. Il
se
rendait compte de la tristesse du paysage, tritesse qu'il avait
provisoirement
oublié lors des jeux et de son envolée avec le
Papillon.
D'ailleurs où
était-il, il aurait bien voulu le revoir,
espérant qu'il
lui indique quoi faire
pour l'aider. Mais il restait seul, et continuait d'avancer entre les
arbres.
Il ne savait pas combien de temps s'était
écoulé
depuis la rencontre avec les
deux filles. Tout ce qu'il comprenait, c'était qu'il lui
était vraiment de plus
en plus dur de respirer. Tout d'un coup, il vit un des ballons avec
lesquels
ils avaient joué tous les trois. Cette fois-ci, il n'avait
pas
le coeur à
s'amuser. Il s'approcha néanmoins de lui. Comme les autres
ballons, il était de
couleurs arc-en-ciel. Dessus, était également
dessiner un
autre ballon tout en
haut d'un arbre. Un bien étrange arbre. Amel compris que
c'était celui-ci qu'il
devait retrouver. Il pris le ballon,
l'approcha de son visage, et une
chose
inattendue se produisit, instantanément le décor
changea.
Il faisait noir tout
autour de lui. Il avait l'impression d'étouffer de plus
belle.
Pour la seconde
fois, il se sentit oppressé de tout
côté comme si
le monde rétrécissait.
Heureusement, cette désagréable sensation
disparut
rapidement. Par contre, il
ne pouvait toujours pas respirer convenablement, il sentait que le
temps
avançait. Il ne voulait pas se laisser abattre, lorsqu'il
aperçut devant lui
une forme, il reprit espoir. Et c'est à ce moment qu'il put
distinguer dans la
pénombre cette forme. Il en avait la certitude, il
s'agissait de
l'Arbre. Il
était tout à fait différent des
autres. Il avait
un tronc, en haut partaient
deux branches principales. La branche de droite était
prolongée par trois
petites branches, celle de gauche par deux. Et, sur chacunes de ces
petites
branches poussaient des petites feuilles. La première joie
disparut car il ne
pouvait vraiment plus respirer, il avait vraiment très mal,
il
voulais faire
demi tour, car l'Arbre ne le soulageait pas comme il l'aurait
désiré. Usant de
ses dernière forces, il s'avança
jusqu'à l'Arbre,
le pris dans ses bras, puis
il disparut instantanément. Amel ressentit alors un
énorme poids à l'intérieur
de son corps, il cru mourir. Pour se soulager de l'immense douleur, il
mit son pouce en bouche, se coucha et se laissa aller dans un sommeil
profond.

La
Plante, toujours à ses côté,
était aussi grande que deux colonies de
fourmis et de quelques 25 rescapées. Amel passait d'un
état de veille agité à
un sommeil profond. Il avait à peine conscience, que ce qui
l'entourait n'était
plus cette étrange forêt, mais un pelage brun doux
et chaud. Ce pelage suivait
les mêmes rythmes irréguliers que le sommeil
d'Amel. Le peu de temps qu'il
était réveillé, il ne pouvait
s'empêcher d'avoir le hoquet, mais il pouvait
respirer. Ce pelage, en fait, était un Ours,
il
était dans les bras d'un Ours énorme. Ces
mouvement était limité dans l'espace,
ces gestes portaient moins loin que lorsqu'il était dans
cette forêt. Il se
sentait mieux dans le sommeil, il aurait
préféré ne jamais en sortir. Mais
l'ours l'en empêcha.
-
Tu ne dois pas rester ici Amel,
lui dit l'Ours. Il te faut continuer ton chemin. Tu n'as rien a gagner
en
restant à somnoler sur mon pelage, bien au contraire. Tu as
réussis à trouver
l'Arbre et à l'intégrer en toi mais ce n'est pas
tout. Tu es loin d'avoir fini.
Lève-toi, réveille-toi ou arrête-toi là, et
dans ce cas, il n'y a plus rien à faire. A toi de
choisir.
Lorsqu'Amel
ouvrit ses yeux, il vit l'ours se transformer en Escargot,
un
magnifique petit Escargot, dont on devinait la coquille et la
tête. L'Escargot
se réfugia alors dans la Plante, qui ne cessait
d'évoluer. On aurait alors dit trois
colonies de
fourmis.
Depuis la Plante, l'Escargot s'adressait à Amel. Devant lui,
se dessinait un
bâtiment comme il n'en avait jamais vu. Une crise de hoquets
le repris, il en
rigolait d'ailleurs à présent. Ces crises
stoppait aussi soudainement qu'elles
arrivaient.
-
Tu dois entrer dans ce
bâtiment, tu verras, il s'agit d'un Labyrinthe.
Tu l'as
deviné, il te faudra trouver la sortie. Bonne chance!
Sans trop
se poser de questions, Amel pénétra dans le
bâtiment. Celui ne semblait être
constituer que d'une pièce, une sorte d'antichambre, ouverte
sur l'extérieur.
Devant lui, trois murs, dont on en devinait l'emplacement dans la
pénombre
ambiante. Il s'en approcha, et vit que ces murs étaient en
réalité constituées
uniquement de toiles bien tendues. Il y avait plusieurs ouvertures, il
lui
fallait choisir la bonne ouverture. Il en pris une, au hasard. De toute
façon,
il se sentait fatigué, ces crises de hoquets ne cessant que
très rarement. En y
repensant, il se dit qu'il préférerait lorsqu'il
avait du mal à respirer,
c'était moins exaspérant. Peut-être
s'était-il trompé d'Arbre, peut-être
devait-il retourner en arrière à la recherche du
bon, si seulement il existait.
Mais, ce ne fut qu'une idée passagère, il
souhaitait que tout ceci se termine,
et gardait espoir, après tout il devait atteindre quelque
chose, il ne savait
pas quoi, peut-être était-ce la solution de toutes
ces petites misères. Il continua
donc. De l'autre côté de la toile tendue, se
trouvait une pièce, plus petite
que la précédente. Elle renfermait un ensemble de
cavités. Lorsqu'il mettait la
tête à l'intérieur de quelques unes
d'entre elles, il revivait l'étrange
expérience, au moment où il prenait l'Arbre dans
ses bras, suivi des
habituelles crises de hoquets, auxquelles il commençait
à s'habituer. Dans
certaines de ces cavités, il aurait pu, s'il le souhaitait,
y rentrer, mais il
y faisait nuit noir, de ce fait il n'osait pas s'y aventurer. Devant
lui, il
pouvait distinguer une cloison percée de deux
fenêtres, l'une ovale, l'autre
ronde. Il regarda à travers la fenêtre ronde, il
entr'aperçu une autre pièce,
différente des précédentes. Il ne
pouvait cependant pas préciser ce qui l'en
différentiait. Il se sentait attirer par elle. Il avait le
sentiment qu'elle
cachait quelque chose de spécial. Il ne voyait rien, mais
ressentait comme une
vibration très légère. De la
fenêtre ovale, la vibration semblait plus
importante. Il lui fallait à tout prix
pénétrer dans cette étrange
pièce, afin
d'y découvrir son secret. Il tenta d'y accéder,
en passant par la fenêtre
ronde, mais celle-ci était bien trop étroite, il
se tourna donc vers l'autre
fenêtre qui n'était pas beaucoup plus grande. Il
se dit qu'en se séparant de la Plante, il
devait être possible de traverser. Il commença
à la détacher de la corde,
quand l'Escargot l'en interdit. Le menaçant que s'il s'en
séparait, ça n'était
même plus la peine de continuer, la mission était
terminée, et définitivement.
Cette remarque irritait Amel, mais il ne voulait pas tenter le diable,
pour
vérifier l'exactitude des dires de l'Escargot,
après tout la Voix du début l'en
avait également dissuadé.
L'univers
autour de lui semblait se rétrécir, les murs se
rapprochaient lentement. Il se
mit en boule, essayant de se faire le plus petit possible, il
coinça la Plante
entre ses jambes et son torse, se roula dans la corde, et tenta dans
cette
position de passer à travers la fenêtre. La
tête était dans l'autre pièce, la
légère vibration se faisait plus forte. Il
maudissait la présence de cette
Plante, mais n'oubliait pas ce que lui avaient dit la Voix
et l'Escargot. Mettant en
œuvre tous les muscles de son corps, usant de toute son
habilité, il réussi à
passer une grande partie de son corps dans la pièce. Au fur
et à mesure qu'il
s'enfonçait dans la pièce, le bruit devenait
assourdissant. A tel point que
lorsqu'après maints efforts, il fut entièrement
dedans, il cru devenir
complètement sourd. Il percevait un rythme
régulier de tambour, des
craquements, ainsi que différents bruits ressemblant
à des gargouillis. Ca
n'était vraiment pas agréable, à la
limite du supportable. En plus du bruit
permanent, la pièce avait un aspect particulier. Elle
n'était pas constituée de
murs rigides, mais de tissus doux. Ces tissus collaient à la
peau d'Amel. Il
pouvait se déplacer, mais très lentement. Il
était Prisonnier de ces tissus et
de ce bruit assoudissant. Il se dit alors qu'il avait du se tromper
quelque
part dans le labyrinthe, il ne pouvait pas y avoir d'autre explication.
Il
voulait faire demi-tour, retraverser cette fenêtre, et
réfléchir calmement à la
situation. Il voulait absolument que ces bruits cessent.
Malheureusement les
fenêtres avaient disparues. Il ne les voyait plus. Pendant un
instant, il
perdit tout espoir, non, ça ne pouvait pas être
vrai. Il devait faire un rêve.
Pour se soulager, il se remit en boule, remit son pouce en bouche, et
s'endormit.

Il
dormait,
bercé par le rythme régulier du tambour, dont son
cerveau s'était habitué.
Ainsi, à son réveil, il entendait ce bruit, il se
fit une raison, il se rendait
bien compte qu'il ne pouvait plus reculer, et qu'il devrait faire avec.
La
Prison le serrait toujours. Il sentait maintenant un mouvement
régulier des
parois de celle-ci. De temps en temps, sa Prison s'animait, le serrait
de plus
belle, pour se desserrer et revenir ensuite telle qu'elle
était. Il attendait,
le pouce en bouche, contemplant la Plante, qui ne cessait de
croître, quatre
colonies de fourmis auraient pu vivre en elle. Elle se
développait, elle
devenait belle. Amel ne pouvait plus bouger ou très peu, un
coup de pied de
temps à autre, il se retourne pour être plus
à l'aise. Des bruits étrangers
venaient s'ajouter au précédent, il ne pouvait
les définir, ils étaient trop faibles,
mais il comprenait qu'il était
directement concerné par ces bruits, que sans sa
présence dans cette Prison,
ces bruits n'auraient pas lieu.

Un
jour, alors
qu'il attendait l'animation de sa Prison, il vit une lueur
traversée la
pénombre. Jusqu'à présent, les seules
choses qu'il apercevait était des reflets
rosés sur tous les objets et les êtres qu'il avait
rencontrés. D'après ses
souvenirs, seuls les ballons avec lesquels il avait joué ne
présentaient pas
cette couleur rosée. Maintenant, les parois de la Prison, à certains
endroits se coloraient de bleu,
de jaune, d'orange et de pleins d'autres couleurs. C'était
vraiment beau. Il
commençait à apprécier ce lieu, dans
lequel il ne pouvait que très peu évoluer.
Il aimait les ronronnements réguliers qu'il pouvait
entendre, et cette Prison,
qui de plus en plus souvent s'animait, telle une vague. Les
premières angoisses
s'étaient transformées en joie de vivre, il
était bien. Le brouillard doré qui
l'enveloppait le calmait. Et la Plante s'embellissait, elle
était aussi grande
que quatre colonies.
Il
ne savait
pas depuis combien de temps il était comme cela. Aux quatre
colonies il s'était
rajouté vingt cinq fourmis. De ce fait, la Plante prenait
plus de place
qu'avant, ce qui n'arrangeait en rien sa liberté de
mouvement. Mais il faisait
avec, de toute façon, il n'avait pas le choix.
Un
jour, il
s'aperçut que la vague tant aimée revenait plus
régulièrement, elle était aussi
plus intense. Elle le serrait plus fort en elle. La peau d'Amel
était plus
tendue, il devait se faire encore plus petit. Il commençait
vraiment à avoir peur. Il ne comprenait pas du tout ce qui
se
passait autour de lui. Il s'était mis à
apprécier
cette Prison, malgré qu'elle le restreigne corporellement
à si peu de mouvement. De plus, la Prison s'était
mise
à se modifier d'elle-même. Elle devenait un trou,
comme un
Tunnel, très serré, dans lequel, lentement il
s'enfonçait. Il faisait chaud. Il était
enveloppé
par ce Tunnel. Une crise de hoquet le repris, plus intense que les
précédentes.
-
Tu dois sortir, lui cria quelqu'un dont il ne pouvait apercevoir le
visage.
Mais sa voix ne lui était pas inconnue. Il lui
aurait
sembler reconnaître la Voix d'il y a longtemps, cette Voix si
douce, qu'il avait entendu au tout début. Cette Voix lui
semblait maintenant déformée, elle
était si
forte. Et elle lui demandait de sortir. Il se sentait
rejetté.
C'est cette Voix qui dirigeait tout depuis le début, il en
était maintenant convaincu. Elle, également, qui
voulait
sa mort en l'étouffant d'un fruit. Il ne comprenant pas ce
qu'elle attendait de lui. Le punissait-elle de n'avoir pas
essayé de sortir de cette Prison, dans laquelle il se
sentait si
bien ? Elle l'avait prévenu, il devait l'atteindre, mais lui
n'a
rien fait pour. A partir du moment où il se trouvait bien
dans
cette Prison vivante, il n'a plus rien fait pour en sortir. Le temps
doit être dépassé, il est trop tard.
Elle lui en
voulait, le punissait, et ne ferait rien pour l'aider à s'en
sortir. Il se sentait triste et en colère, il avait du mal
à supporter cette situation.
Les vagues se faisaient encore plus proches les unes des
autres.
Elles l'entraînaient plus profond dans ce Tunnel, dont il ne
voyait pas le bout. Les reflets avaient disparu, il faisait noir. Cette
Voix maléfique hurlait.
Puis il sentit un souffle chaud tout près de lui. Il vit
deux
lueurs, on aurait dit des Yeux. Pour lui, ce n'était qu'un
Monstre, sans visage, dont il ne percevait que la Voix rauque et ses
Yeux qui l'attendaient. Il ne pouvait plus rester ici, il fallait qu'il
sorte. Il commençait à se débattre. Il
savait que
s'il ne s'en allait pas, il allait mourir
étouffé,
broyé et écrasé. Il
détestait ce Monstre
devant lui. Ce Monstre qui en même temps le chassait et
l'empêchait de s'en aller. Il était devant. Les
vagues
s'étaient transformées en tempête.
Elles
l'emmenaient plus près de ces Yeux menaçant. La
Plante
avait cessé d'évoluer. Elle prenait la place de 5
colonies de fourmies. Petit à petit, elle se
détachait de
lui. La corde sur laquelle elle était attachée se
tendait, prête à éclater. Il sentait la
fin proche.
Mais la fin de quoi ? Il doutait de tout. La fin de sa
captivité
ou la fin tout court ? Il frappait tout autour de lui. Les parois de ce
Tunnel, les tissus enveloppant son corps, étaient tendus
également. Il devait tout casser. Il était
enragé,
autant que ce Monstre devant lui, lui barrant la route,
l'accès
à la sortie. Ces Yeux étaient encore plus
proches. Le
Tunnel se faisait plus étroit. Il avait mal. Ils se
battaient,
le Monstre et lui. Le plus faible perdrait la vie, il devait donc
gagner à tout prix. Il avait maintenant
l'impression de
pouvoir toucher les Yeux. Il tendait la main, mais celle-ci ne les
atteignait pas. Un obstacle invisible l'en empêchait. Il
aurait
dit une toute petite ouverture. Si petite que seule une fourmis aurait
pu s'y aventurer. Ces Yeux qu'ils
percevait était en
fait cette ouverture, d'où émanait une
lumière très intense, l'aveuglant. Ses oreilles
le
faisaient aussi souffrir, des bruits inconnues, perçants, la
Voix qui criait lui arrachait les tympans.
Soudainement, il sentit la Plante se
désintégrer.
Elle partit en miette, comme si des milliers de fourmis fuyaient leur
territoire effrayées par un quelconque danger. Sa Plante
disparaissait, il semblait mourir. La Voix se tut
instantannément. Il ne voyait à
présent plus
cette ouverture, il était aveugle. Il devinait juste les
morceaux de la Plante et l'Escargot qui l'habitait s'en aller par cette
ouverture, il les sentait partir, l'abandonnant. L'univers dans lequel
il avait vécu tout ce temps s'effondrait. De tout ce monde,
il
ne restait que du vide, il avait peur, il perdit connaissance.
Se réveillant, à
peine conscient, il se mit à hurler.
Il
entendit à nouveau une voix, une douce voix. Tout
résonnait dans sa tête, mais cette voix
était bien
présente, elle pleurait, le Monstre était vaincu.
Amel
était passé dans un autre monde,
complètement
différent du précédent, dans lequel il
compris
qu'il allait continuer son aventure, l'aventure de sa
vie.
|